Dans Deux festivals à Grenoble (1974), la cinéaste égyptienne Atiat El Abnoudi saisit divers moments du Festival international du film de court-métrage de Grenoble et son prolongement décentralisé dans divers lieux de la région, offrant un regard inédit sur une réalité française marginalisée. En 1973, lors de la seconde édition de ce festival à l’existence éphémère, des associations d’éducation populaire se glissent en effet parmi les organisateurs et obtiennent de multiplier les projections dans la ville et au-delà dans toute la région. Après la clôture du festival « officiel », plusieurs cinéastes restent sur place, rencontrent le public dans des lieux qui ne sont pas nécessairement dédiés au cinéma et participent aux discussions et débats. L’année suivante, ces associations trouvent les moyens de financer un film-atelier qui permet à des passionnés de cinéma de collaborer avec la réalisatrice Atiat El Abnoudi, dont les courts-métrages Cheval de Boue et La Triste chanson de Touha ont été primés lors de l’édition précédente du festival. L’intention de cette nouvelle production n’est pas seulement de documenter une expérience audacieuse de diffusion du cinéma « hors les murs », en dehors du cadre commercial et institutionnel, mais bien d’exposer au public les processus qui mènent à la fabrication d’un film, dans une opération de démystification du cinéma. Deux festivals à Grenoble dévoile les coulisses de l’organisation d’un festival et capte des pratiques qui tentent de donner forme à une autre culture du cinéma, en mettant en lumière le public lui-même. Les commentaires du public résonnent avec les paroles des cinéastes qui se questionnent sur les modes de production de leurs films. Ces débats soulèvent des questions urgentes ; un protagoniste du film revient ainsi sur ces discussions qui renouvellent selon lui les pratiques de ciné-club, traditionnellement focalisées sur l’esthétique des films : Là, ça allait beaucoup plus loin. Pourquoi fait-on du cinéma ? Pour qui fait-on du cinéma ? Comment fait-on du cinéma, à destination de qui ? Pour faire changer quoi ?
Film
Deux festivals à Grenoble
Atiat El Abnoudi1974 · 29 min
Atiat El Abnoudy (1939-2018) était une journaliste, avocate, actrice, productrice et réalisatrice égyptienne. Née dans un petit village du delta du Nil, elle est considérée aujourd’hui comme l’une des pionnières du cinéma arabe. Ses films sont une source d’inspiration pour de nombreuses femmes cinéastes qui luttent pour produire leur propre cinéma de façon indépendante. On l’a surnommée “la cinéaste des pauvres” en raison de l’attention particulière qu’elle porte aux luttes des Égyptien.ne.s ordinaires et des personnes démunies dans le monde arabe. Au cours de sa carrière, El Abnoudi a reçu plus de 30 prix internationaux pour ses 22 films, dont trois pour Cheval de boue, sorti en 1971.