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Film

La vendeuse d’oranges – 01

Cindy Bannani
2020 · 14 min

La vidéo est la première pièce d’une série en cours intitulée Les vendeuses d’oranges. Comme le titre l’indique, cette série fait allusion à un des sujets favoris des peintres orientalistes européens – des hommes pour la plupart – qui ont fabulé un « Orient » mythique, dans un contexte d’occupation militaire et d’expansion coloniale. Dans les deux vidéos, on peut entendre des voix qui semblent parfois décrire l’image qui se déroule devant nous, mais certaines descriptions nous échappent. Les scènes représentées dans les peintures ont été transposées dans un contexte intime, sur le seuil entre le privé et le public. La caméra révèle discrètement une chambre d’adolescente, une cage d’escalier, les détails urbains d’une banlieue française. La jeune femme qui apparaît à l’image se plaint de la pose artificielle qui lui est imposée, s’ennuie, écoute de la musique. Elle parle, interroge à la fois les peintures historiques qui donnent forme à cet exercice, mais aussi la mise en scène de l’artiste qui tente de filmer cette situation. Ses paroles sont encore accompagnées par les voix de deux narratrices hors-champ, Sarah Belhadi et Rim Battal, qui commentent et critiquent, elles aussi, les représentations picturales originales en soulignant leur impossible identification aux modèles et la fausseté des situations visualisées par les peintres sur un mode pseudo-documentaire.

La série Les vendeuses d’oranges brise le cadre de ces visions picturales révolues pour affronter les hantises de l’imaginaire colonial qui continue à alimenter les stéréotypes stigmatisant les jeunes femmes d’origine maghrébine en France et en Europe. En créant un moment collectif de questionnement en actes, l’artiste ouvre un espace de sujectivation d’où peuvent émerger de nouveaux récits et de nouvelles images, dont l’enjeu est aussi bien esthétique que politique.

La vendeuse d’oranges – 01 et La vendeuse d’oranges – 02, seconde réalisation de la série Les vendeuses d’oranges, sont visibles en parallèle à l’exposition dans la section Écran public de jamiiyasinema.club.

Cindy Bannani est diplômée de l’ÉSAD de Grenoble et de la HKB de Berne. Son travail sur la visibilité et la spécificité des histoires minoritaires a été impulsé par la nécessité de redécouvrir l’héritage d’une histoire familiale complexe. Sensible aux questions liées aux images et au language, qui sont souvent utilisées comme instruments de domination et d’assimilation, elle crée des espaces d’autonomisation où ceux-ci peuvent être réappropriés à des fins de résistance. Elle a obtenu la bourse des arts plastiques de Grenoble en 2019 pour sa recherche sur les origines et les glissements sémantiques du mot Beurette, depuis son énoncé initial en 1983 à aujourd’hui. Elle a récemment présenté « Les 35 et les 99 965 autres », sa première exposition institutionnelle solo au Magasin CNAC sous le commissariat de Céline Kopp, qui présentait le résultat de ses recherches sur la Marche pour l’égalité et contre le racisme de 1983.

Écran public

les vendeuses d'oranges

Cindy Bannani
2020 · 27 min